In Limine
Des origines de nos croyances… aux prémices de nos émancipations
Esclavage moderne et idéologie antique
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banania

 

Voici un texte intéressant, une critique qui va dans le sens d’une observation que l’on peut faire de l’emploi « inévitable » des mots, des concepts, servant bien souvent à avaliser et renforcer le pouvoir de l’Ordre en place, à lier aujourd’hui de façon inextricable l’Idée à son destin dans l’abstraction d’un monde « hors-sol » peuplé d’humains « intéressés ».

Ce texte est issu du site Psychanalyste-Paris.com

 

« Se coltiner la misère… C’est entrer dans le discours qui la conditionne »

par Christophe BORMANS

Le texte que nous donnons ici constituait une première version d’un article publié dans la Revue Tiers-Monde en octobre 1996 sous le titre « Esclavage moderne et idéologie antique » (Revue Tiers-Monde, Tome XXXVII – n° 148, « Relations de travail et mondialisation », Octobre-Décembre 1996, PUF, Paris, pp. 787-802).

« Il est certain que se coltiner la misère, comme vous dites, c’est entrer dans le discours qui la conditionne, ne serait-ce qu’au titre d’y protester.
Rien que dire ceci, me donne position – que certains situeront de réprouver la politique. Ce que, quant à moi, je tiens pour quiconque exclu
» (Jacques LACAN, Télévision, Paris, Seuil, 1974, p. 25).

Voici maintenant une quinzaine d’années, Moses I. Finley publiait un recueil de quatre conférences, dont la première, intitulée « Esclavage antique et idéologie moderne » [1] – et qui donnait son nom au livre -, se proposait de répondre à la question suivante : pourquoi « au cours des vingt-cinq dernières années, l’étude de l’esclavage a atteint une intensité sans précédent » ? Concernant l’esclavage au Nouveau Monde, du XVIe au XIXe siècles (aux Etats-Unis, aux Caraïbes et au Brésil), « les motifs de cette évolution » lui apparaissaient clairement : cet « esclavage moderne touchait des Noirs », et les « tensions sociales et raciales actuelles » avaient réanimé le débat. Concernant l’esclavage antique, qui n’offrait pas « une signification aussi immédiate », selon l’auteur, il avait été le champ de prédilection de l’affrontement entre les deux idéologies modernes, libérale et marxiste.

Aujourd’hui, l’affrontement idéologique entre les deux grands courants de l’analyse économique ne paraît plus de mise tant le courant libéral semble l’avoir emporté. Pourtant, l’expression « esclavage moderne », qui ne renvoie plus désormais au découpage traditionnel de l’histoire, autrement dit qui ne renvoie plus à l’esclavage au Nouveau Monde (ni, a fortiori, à l’esclavage antique) refleuri un peu partout, tant dans les publications des Organisations internationales de défense des droits de l’homme et des travailleurs, que dans les médias, répercussions qui du reste font partie intégrante de l’objectif avoué de ces organismes [2].

Le présent article, dont le titre s’inspire de celui du célèbre ouvrage de Finley, propose de revenir sur les raisons qui font que depuis une dizaine d’années [3], l’étude de ce que l’on appelle l’« esclavage moderne » a elle aussi « atteint une intensité sans précédent ». Il vise essentiellement à répondre à deux questions : d’abord, qu’entendait-on à l’origine par esclavage et « esclavage moderne » ? Ensuite, que recouvre cette expression aujourd’hui, et surtout, la réalité que l’on avait coutume de lui attribuer diffère-t-elle ?

Enfin, nous tenterons de démontrer que l’utilisation de l’expression « esclavage moderne » pour qualifier les conditions de travail actuelles de nombreux travailleurs du Tiers monde, relève bien d’une idéologie qualifiée par nous d’« antique », au sens où nous pensons qu’elle participe d’une marche en arrière, par rapport aux premiers pas de ce que l’on a appelé l’analyse du sous-développement….

La suite sur le PDF : Esclavage moderne et idéologie antique

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